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  Sabine Mallet | La nuit de Frimousse, chapitre 4 | 25-04-02
 

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Où l'on voit notre cobaye hésiter à prendre de l'exercice mais non pas à laisser des empreintes.
 
 


La porte s'ouvre lentement mais sûrement et livre passage à un homme en noir et blanc, noir de peau et blanc de blouse. De la poche de ladite blouse émane un étrange signal sonore : bip... bip... bip... L'homme a l'air agacé.
— Bon sang, il leur faudrait les résultats avant qu'ils aient demandé l'examen, c'est pas vrai ça. Tiens… Qu'est-ce que c'est que ce truc ?
Le truc en question, c'est le tas que forme Frimousse encore étourdi par le choc. L'homme se penche.
— Ça ressemble pas vraiment à un rat, ça...
Le bip résonne à nouveau au fond de sa poche et l'homme se redresse.
— Oui j'arrive, quoi, j'arrive !
Frimousse en profite pour recouvrer ses esprits et se faufiler entre les jambes de l'homme qui le regarde détaler avec fatalité tout en se dirigeant vers une voiture garée à proximité.
— De toute façon, moi j'ai toujours bien aimé les rats. Alors file, raton, et bonne visite.

Heureusement que Frimousse n'est pas un rat. Il en aurait perdu sa queue car la porte se referme sur lui en exerçant une poussée sur son arrière-train qui le propulse à plusieurs mètres jusqu'à une nouvelle porte, ouverte celle-ci.
Frimousse n'en croit pas ses yeux. Il est dans une cage pour cobayes géants.
Partout des espaliers, des manivelles, des poignées, des poulies, des ressorts, des vélos sans roues et des pédales sans guidons, des tourniquets et des cerceaux, des ballons de toutes tailles. De l'autre côté des baies vitrées, des branches et des feuilles s'agitent silencieusement. Le tout baigné par une lune complaisante.
Estomaqué, Frimousse reste sur le seuil, craignant de voir surgir les monstres qui utilisent des appareils et des jeux de cette taille. La moindre balle est plus haute que lui, moustaches comprises.
Il a comme un pincement au coeur en pensant à la petite roue de sa petite cage à lui.
Il tergiverse. Il tenterait bien malgré tout un triple salto arrière sur une de ces machines. Puisqu'il n'y a personne... Soudain une voix lui vrille les tympans.
— Mais qu'est-ce tu fais là, toi ? Mais... dis-moi, tu ne serais pas le cobaye de Mimi, toi ?
Les nouvelles ont été vite relayées par la ronde de nuit. La main d'une infirmière se tend vers Frimousse qui recule.
— Allez toi... Viens par là, je te dis. T'as rien à faire ici. Jamais entendu dire que les cobayes avaient le coeur fragile. Oh le cochon, il m'a pissé dessus !
Une fois que l'on a goûté les joies de l'escapade à défaut de celles de l'escalade, on ne renonce pas si facilement à la liberté. Frimousse décampe après avoir lâché un jet d'urine odorant sur le beau linoléum vert de la salle de réadaptation cardiaque.

Il arrive à l'entrée du Pavillon Ansieau au moment même où l'homme en noir et blanc revient, actionnant le système d'ouverture de la porte.
— Eh ! Salut le rat... La visite a été intéressante ?
— Ne le laisse pas filer. Ça fait des heures qu'on le cherche.
— Vous avez si faim que ça ?
— Idiot ! C'est celui de Mimi.
— De Despeaux ?
— C'est pour ses gosses.
— Elle leur donne que ça à manger ?
— Très drôle. Voilà c'est malin, il s'est tiré maintenant.
— Tu veux mon avis ?
— Dis toujours...
— Lui aussi, il doit avoir faim.
— Et alors ?
— Ça a du flair, ces bêtes-là. On va le retrouver aux cuisines.
— A cette heure-ci, tout est dans les frigos.
— On parie ?

Il est six heures trente du matin. Le jour pointe déjà. On devine l'ombre de Frimousse qui slalome entre les tulipes et qui se dirige inéluctablement vers la porte blanche de la Dépense.

 
     
  à suivre...  
     
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