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  Sabine Mallet | La nuit de Frimousse, chapitre 5 | 26-04-02
 

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Où le jour a succédé à la nuit.
 
 


Bligny, je ne t'oublierai pas. Parmi tes bâtisses et tes arbres centenaires, je m'en suis mis plein la panse et ne suis plus célibataire. Tel est l'hymne que pourrait entonner, en langage cobaye, Frimousse qui se prélasse dans sa cage posée sur le siège arrière de la voiture de Mimi, infirmière vacataire au centre médico-chirurgical de Bligny qui vient de terminer son service de nuit et qui s'apprête à offrir à ses enfants non pas un, mais deux cochons d'Inde. Elle est actuellement en grande conversation avec son amie Nat qu'elle raccompagne chez elle.

— Quelle nuit !
— A qui le dis-tu...
— Il ne sera pas resté bien longtemps avec nous, le petit.
— C'est triste.
— Je l'aimais bien.
— Il était tellement calme à la fin.
— Moi, c'est ses yeux qui vont me manquer.
— Ce qui m'étonnera toujours, c'est la rapidité avec laquelle on arrive à tout ranger. Je suis sûre qu'il n'y a déjà plus un grain de poussière là-bas. Inventaire fait. Ménage nickel chrome... Au suivant !
— Ça faisait déjà un moment qu'il n'était plus vraiment avec nous.
— Encéphalite méningée... C'était à prévoir.
— Il avait quoi ? Vingt ans, c'est ça ?
— Je m'y fais pas.
— Tant mieux ma belle.
— Dis donc et l'autre, comment tu vas l'appeler ?
— J'en sais rien. C'est eux qui décideront.
— Avec la couleur de son poil, pourquoi pas Barberousse ?
— C'est une fille.
— Alors... Essaye Fistule...
— Tu crois que les enfants apprécieront ?
— C'est dingue quand même qu'on l'ait retrouvé à la Dépense.
— Attends, c'est la première fois depuis des semaines que j'allais acheter un truc là-bas. Je ne savais même plus les heures d'ouverture.
— Je crois que c'est variable.
— Pour les fruits, c'est pas mal, ça dépanne et c'est pas cher, mais le café par kilo, ça m'arrangeait pas. Sauf que là, vu qu'il y en a plus un gramme à la maison.
— La tête que t'as fait quand t'as vu Frimousse installé sur la balance !
— Attends, j'y croyais pas ! On l'a cherché toute la nuit dans tous les coins de Despeaux pendant que monsieur s'avalait tranquillement son kilomètre jusqu'à Fontenay.
— Pas fou le cochon d'Inde. Il a senti les pommes.
— On se demande comment il a pu rentrer.
— Finalement c'est pas si con, ces bêtes-là !
— Qu'est-ce qu'il a dû se goberger avant qu'on le trouve ! David était furieux.
— Pas tant que ça. Il se marrait plutôt.
— Faut dire que bonjour la coïncidence. David qui se pointe justement aujourd'hui avec son cobaye à lui pour le refiler à quelqu'un. Et qu'en trouve un autre vautré dans ses cageots.
— Tu dis c'est une femelle ? Alors fais gaffe qu'ils ne te fassent pas une tripotée de petits trop vite...
— C'est la vie !

La voiture est arrivée au bas de la côte de Bligny. Mimi reste au point mort un instant. Elle se tourne vers son amie.

— Tu sais quoi, Nat ? Eh bien je crois que j'irai à l'enterrement du petit. Je l'aimais vraiment bien.

Frimousse le cobaye lève une moustache et jette un coup d'oeil attendri à sa toute nouvelle épousée qui repose langoureusement à ses côtés dans la sciure de leur cage. La voiture redémarre et emporte nos cobayes vers un destin encore inconnu mais bercé de doux rêves de rémission éternelle.

 
     
  fin ?  
     
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