Sommaire  
     
 

Les dix-neuf sens

 
  Chacun des 19 jours, un sens nouveau décliné en simultané par les différents auteurs.  
     
  Le treizième sens  
     
  Filip Forgeau | Le sens du poil 1/2 | 21-04-02 | Quoi d'autre ce jour ? | Quoi d'autre de cet auteur ?
     
 

Un sens qui a tout son sens un dimanche d'élections.
Aujourd'hui, c'est grand jour pour tous les maîtres de la politique. Voilà deux mois qu'ils nous caressent (au sens figuré) dans le bon sens pour que nous allions fidèlement poser notre griffe sur le bulletin qui revêt leur nom propre.
Voilà deux mois qu'ils nous promènent au bout de leur laisse éculée en voulant nous apprendre à bien marcher sur les trottoirs de la citoyenneté et à traverser sur les clous du sens moral. Et, pour plus de sécurité, à chier dans les caniveaux ; des fois qu'on ferait glisser les honnêtes gens.
Moi, j'aimerais bien en voir certains, de ces maîtres de la politique, ramasser à pleines mains et sans démagogie les crottes de la misère humaine, plutôt que de nous prendre pour d'insignifiants toutous.
Mais, au lieu de ça, voilà deux mois que les maîtres de la politique aboient en direct à la télévision.
Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces, me disait ma grand-mère (celle qui avait les chiottes au fin fond du jardin).
Je n'ai jamais rien compris à cette phrase, mais est-ce qu'un singe, ça sait tenir un chien en laisse ? Et le caresser dans le sens du poil ? Et est-ce que ça aboie, un singe ?
Et quelle est la race de chiens préférée de Le Pen ? Les rotweilers ? (Mais en blanc, s'il vous plaît.) Et de Chirac ? Les roquets ? (Est-ce que c'est une race, les roquets ?) Et de Jospin ? Les caniches ? (Mais alors abricot, parce que c'est plus joli et que ça attendrit les vieilles dames...)
J'arrête, j'ai le sens du poil qui se hérisse.

 
     
  François Chaffin | Le sens du poil | 21-04-02 | Quoi d'autre ce jour ? | Quoi d'autre de cet auteur ?  
     
  Rien n'y a fait.
La chimie ni le rayon, ni toute l'assemblée cent une fois diplômée, passée en queue leu leu d'un bord du lit l'autre, l'oeil expert et le verbe exotique.
Ni la goutte ajoutée à la goutte, ni la collection de pastilles aux formes invraisemblables, introduites buccales dans une explosion des couleurs.
Le corps est resté plat, jusque dans les oscilloscopes.
Un coma profond comme un abysse, un défi au temps, à l'immobile, au silence.
Le corps est plat.
Une limande, un horizon rectifié dans l'étau, une Belgique de chair et d'os.
Du corps il n'émerge qu'un bip, misérable, monophonique, un clairon ôté de son matin.
Et ce bras échappé du pli des draps, ce bras qui s'est pendu dans les odeurs de la chambre.
Inerte, oublié des ballants et de l'infirmière, ce bras qu'il voit en premier, comme un signe de bienvenue, comme si elle, le coma profond, avait signé une lettre avant de s'engloutir, en laissant à son père un message de peau, de veines, de coude, de paume et de doigts.
Longtemps la médecine s'est interrogée…
Le rapport indique une rémission inexplicable du coma, une émergence des sens, stimulés immédiatement après l'arrivée du père, qui se contenta pourtant d'une caresse sur son bras, recommencée cent et une fois, toujours dans le même sens.
 
     
  Sabine Mallet | Le sens du poil | 21-04-02 | Quoi d'autre ce jour ? | Quoi d'autre de cet auteur ?
 
     
  Voilà, c'est fait. Je me suis non pas évadée mais éloignée de Bligny pour la première fois depuis quinze jours, et ce pour une vingtaine d'heures. Le temps d'une soirée au théâtre (décevante histoire de vivants quasi-morts), le temps d'une nuit, agréable mais courte, au creux d'une épaule odorante (précédemment évoquée), et le temps de déposer une enveloppe bleue dans l'urne transparente du bureau de vote n°11 dans le XXe arrondissement de Paris. Devant l'école de la rue Saint-Maur, une belle rampe d'accès pour handicapés en aluminium brillant qui n'existait pas au dernier scrutin.
Je ne sais pas si j'ai le sens civique. Je sais que beaucoup de choses me hérissent sans avoir toujours le courage ou l'à-propos de les dénoncer.
Comme l'a compris la demoiselle du téléphone (voir plus haut ou plus bas), je suis plutôt gentille et, malgré un certain esprit de contradiction (discret mais développé lorsque je me laisse aller), j'ai la main plus caressante que rebroussante.
Je n'ai pas dit à l'auteur que sa pièce ne m'avait pas plu.
Je n'ai peut-être pas assez insisté auprès de mon ami pour qu'il lise mes textes.
Je ne suis pas sûre d'avoir voté comme j'aurais dû.
Je ne sais pas si je suis contente ou triste de retrouver Bligny.
Après tous ces aveux, il est grand temps pour moi de reprendre du poil de la bête. Mais quelle bête ? Et dans quel sens pousse son poil ?
 
     
  Filip Forgeau | Le sens du poil 2/2 | 21-04-02 | Quoi d'autre ce jour ? | Quoi d'autre de cet auteur ?  
     
  Question : Est-ce que, si l'on préfère les pubis rasés, ça a quand même du sens ?
Réponse : Oui, Toto.