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  François Chaffin | Lieu #3 : Quand la mer habitait Bligny | 13-04-02
     
 

Oh, je les entends déjà, les sceptiques, les cartésiens pinailleurs, les Saint Thomas du cerveau-science, les spécialistes du concret, de l'éprouvé, du "si-j'mens-j'vais-au-cancer", m'arguer bien à ma face toute l'ineptie d'une étendue saline sur les collines de par ici.
"La mer à Bligny, mais vous n'y pensez pas !"
D'ailleurs je ne pense qu'à ça. Et j'ajoute que je suis en mesure de prouver ce que j'avance, photos et enquête à l'appui, témoignages, tout le toutim avéré de mes yeux vu, n'en déplaise à mes contradicteurs des marées basses et cales sèches.
Et je prouve sans rire ni baguenauder.
Escalier d'accès à la cafétéria du pavillon Fontenay, à gauche de la rampe du milieu en faisant face au bâtiment, quatrième marche. Et là, posé tout incrusté depuis des éternités de sparadrap ; là, poli par des millions de semelles bipèdes et rapides à venir en découdre avec la médecine ; là, eh bien quoi : UN FOSSILE !
Non, pas une carcasse de grenouille ni une larve tétardeuse quelconque venue se faire piller par toute l'urgence de Bligny ; pas un glyphe d'enfant du temps que l'escalier n'était encore sec ni dur ; mais un fossile de poisson bel et bien, daté du temps que la mer habitait Bligny, et couvrait de ses ondes la région et la colline, le haut des arbres comme les toits du petit Fontainebleau.
La preuve.
La mer à Bligny, quand on y pense…
On y arrivait en barque, chaloupe, prao, esquif ou radeau, pour y venir mouiller sa plaie, se désamarrer ensuite, guéri et face au vent.
C'était le temps des capitaines du stéthoscope, des matelots de la seringue, moussaillons du garrot et barreur des canules, tout un peuple aquatique se déroutant pour venir s'approvisionner en bonne fortune, et se panser le scorbut.
C'était le temps que mer et marins charriaient de pires chansons à boire, portées de chambre en chambre par des rafales d'oxygène.
C'était le temps d'une infirmière dans chaque port, et le temps qu'elles savaient toutes voler, emportées au levant dans de blancs et plumeux costumes de mouette.
Il y a longtemps, et les poissons venaient brouter l'herbe des marches…
Restent les costumes, l'oxygène, la maladie et le fossile.
Allez donc vérifier vous-même : escalier de Fontenay, quatrième marche.

 
     
   
     
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