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  François Chaffin | 08-04-02
     
  12 mois que le Filip et moi avions entrepris, un soir d'humeur jaune à la Chartreuse de Villeneuve-lèz-Avignon, de prendre résidence à l'hôpital de Bligny, pour y écrire où la vie d'ici nous mènerait, et ce par quoi nous allions passer, candides joufflus au sein du royaume des "pas-très-bien-portants"…
Et la barrière s'est levée, striant le ciel gorgé de beau d'un pointillé rouge et pâle, engageant le parc de l'hôpital à nous aspirer crus et naïfs, et nous déposer au pavillon du Pin, entre l'arbre et l'incertitude, l'appréhension et l'étrange désir d'en découdre avec ce village aux traditions blanches.
Trois auteurs dans une tangente aux mille et un visages, lâchés en rebonds dans les quatre-vingt-cinq hectares du lieu, yo-yo de nos claviers tip-tip-tapant les vacarmes alentour, saisissant au vol les contentions silencieuses.
Comment écrire Bligny ? Par où, qui ou quoi commencer ? Et pour quels lecteurs allions-nous produire ces flux verbeux, cette chronique empruntée au réel, et retordue dans les tensions de nos méandres artistes, écrivains ou photographe, témoins dilatés d'un présent extrasensible ?
Premier jour, premières photographies mentales, premiers afflux ; Bligny est un village où tout semble bourdonner son urgence, ses affaires, s'agiter de couloirs en chambre, inversement, et recommencer.
Portraits, lieux, histoires, images, les sens, les gens, les bruits, l'odeur, les mouvements, la couleur, la douleur, les passages, le silence, l'ennui, l'oubli, la guérison, la compassion, les ambulances, l'ordinateur, les chariots, le son des fioles, la mort, l'espoir, la fatigue des visages, l'organisation des soins, la gentillesse du personnel, la gravité d'un proche, la peau des gens, tout le toutim de la vie qui va et vient, à cet endroit précis où s'opèrent les virages… Comment parler de cela sans avoir les mots d'un touriste ni d'un professionnel ?
Filip dit : "Se laisser traverser."
Sabine dit : "Tout est possible, les choses nous arriveront."
Ils n'ont pas tort.
Entre l'imposture égoïste d'un projet à fort ego ajouté et l'animation socio-culturelle restructurante (pour qui ?), comment promener nos ressentis et en sortir une chimie honnête, qui serve à quelqu'un, à quelque chose ?
Et notre metteur en pages, notre Bertrand-le-webmaster, grand organisateur du réseau, comment pourra-t-il amplifier l'indicible, témoigner avec nous de cette formidable machine à réparer les gens ?
Alors allons-y, colletons-nous au réel, aux malades, aux personnels, aux habitudes ; soyons ceux-là dont la médecine n'a nul besoin, électrons libres et affranchis du devoir de compétence. Parlons-en, de travers et de tout près, auteurs de garde, sentinelles au milieu des sentinelles, scribes maladroits et réfléchissants, criblant Bligny de paroles, comme éclaterait la figure d'une métisse à triple bouche…
 
     
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