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Sabine Mallet | Lieux et portraits / Portraits et lieux | 26-04-02 | ||
Il y avait tant et tant à
dire, de ce que j'ai vu, entendu, goûté, touché, senti,
et tutti quanti. Et de tout ce que je n'ai pas vu, pas entendu, pas goûté,
pas touché, pas senti, dans tous les sens du terme. La bataille avec
le sens. Insensible ou trop sensible ? Sentimentale ou raisonneuse ? Lieux
et portraits. Portraits et lieux. Cadavres exquis et cadavres puants. Le
décompte est à faire ou à défaire. La tricherie
possible. L'invention est au rendez-vous, et complice de la vraie vie. J'aurais pu, ou voulu, ou dû et le contraire aussi parler dans le désordre et tous sens confondus de ça, de ça et encore de ça. Des yeux bleus et de la barbe d'un frère Karamazov, croisé sur un perron. Des rires d'une petite Marie qui se mêlaient aux gémissements d'une dame mourante. Des relax pour les équipes soignantes. De l'ennui à Bligny. De trois couleurs sur trois étages, la nuit, dans les couloirs de Fontenay. De la grotte aux trésors dans la montée vers le Petit Fontainebleau et de sa cheminée qui me narguait tous les matins lorsque j'ouvrais les volets. Des stères de bois qui attendent Monsieur Mondésir. De la maison du bout du bout de Bligny, au-delà de l'étang. De tous les sous-sols, greniers et autres locaux mystérieux non visités. D'un gendre de la cuisse gauche. Des télévisions allumées dans presque toutes les chambres au soir du 21 avril, et notamment dans celle d'un vieux militant qui mourra content. D'une cage à lions transformée en quelque heures en un couloir étroit. Du vin glacé et d'une poignée de mains brûlante. De la peau qui part en lambeaux et des perfusions fleuries de tissu provençal. D'un foetus non évanescent, aspiré par désespoir. Des médecins restés ombres savantes et non approchées. Des bancs repeints et des stores rayés comme voiles de navire ou vestes de bagnards. D'un nom gravé dans le torchis du kiosque n°3. D'un utérus enlevé en Bretagne et d'une vessie mal rafistolée à Paris. Des boîtes aux lettres du Père Gerbault. Des bénévoles qui volent, pardon, qui veulent le bien. Des grincements de dents et des grincements de sommier. D'un nommé Fausto dont je ne connais pas le visage. De Monsieur Jean Mie (de Chabanay) qu'on a obligé de mesurer une cour d'école avec une allumette mais qui n'a pas oublié son premier poème, composé à l'âge de onze ans. J'aurais pu (ou voulu, ou dû) parler de tant et de tant de confidences. Et de la rigolance, de la merdisance, des médisances, de la jactance, de la reluisance, de la grouillance, des ordonnances. De l'abstinence, des ambulances, de la cadence, des incontinences, des condoléances. Observance et désobéissance. Des excroissances, protubérances, indigences, indolences et autres virulences. Et de tant d'autres silences et d'autres renaissances. Que d'oubliances ! Mais le temps me pressure. Adieu (?) Bligny et merci. |
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