Mais que font là ces
gens, enfilés comme des Indiens, à la porte du dépôt
d'oxygène ?
Que font là ces hommes et femmes, appareillés de verre et
de métal, tirant après eux des arbres à poches, d'où
s'épandent les multicolores ?
Que font ces lits à quatre roues motrices, exilés des linos,
en queue leu leu de draps, pare-chocs contre pare-chocs, dans les longueurs
d'un départ de vacances ?
Qu'attendent ces corps en zig-zag, pendus aux bras des anges blanches,
comme les marionnettes d'un guignol improvisé, claquant au vent
les taches du pyjama ?
Et qui sont les chiens de cabosse, les chats aplatis, le hérisson
de goudron, les souris démédulées, tous ces compagnons
de travers, qui alternent les hommes dans la file des lenteurs ?
Que fait là ce peuple des patiences, étiré jusqu'aux
lointains, les yeux pris dans la glue des infinis ?
Qu'attendent-ils face à la porte, tranquilles et meurtris, la mine
floue et l'ombre vide, comme si le temps était souvenir, et le
souvenir un temps complet ?
Je suis resté la nuit et le jour, assis sur ce point de mes interrogations
Au petit matin, le monde était parti, lessivé par une aurore.
A la porte du dépôt d'oxygène il n'y avait plus personne,
la clé achevait son tour de serrure, tout le monde avait rendu
son dernier souffle. |