Sommaire  
     
  François Chaffin | Le dépôt d'oxygène | 25-04-02
     
 

Mais que font là ces gens, enfilés comme des Indiens, à la porte du dépôt d'oxygène ?
Que font là ces hommes et femmes, appareillés de verre et de métal, tirant après eux des arbres à poches, d'où s'épandent les multicolores ?
Que font ces lits à quatre roues motrices, exilés des linos, en queue leu leu de draps, pare-chocs contre pare-chocs, dans les longueurs d'un départ de vacances ?
Qu'attendent ces corps en zig-zag, pendus aux bras des anges blanches, comme les marionnettes d'un guignol improvisé, claquant au vent les taches du pyjama ?
Et qui sont les chiens de cabosse, les chats aplatis, le hérisson de goudron, les souris démédulées, tous ces compagnons de travers, qui alternent les hommes dans la file des lenteurs ?
Que fait là ce peuple des patiences, étiré jusqu'aux lointains, les yeux pris dans la glue des infinis ?
Qu'attendent-ils face à la porte, tranquilles et meurtris, la mine floue et l'ombre vide, comme si le temps était souvenir, et le souvenir un temps complet ?
Je suis resté la nuit et le jour, assis sur ce point de mes interrogations…
Au petit matin, le monde était parti, lessivé par une aurore.
A la porte du dépôt d'oxygène il n'y avait plus personne, la clé achevait son tour de serrure, tout le monde avait rendu son dernier souffle.

 
     
  Quoi d'autre ce jour ? | Quoi d'autre de cet auteur ?