Dans le théâtre
de Bligny habitent des mobiliers fatigués
Des chaises coupées par les pieds
Des chaises hors de cul
Des lavabos sans os des tuyaux amputés
Miroirs sans présage
Et des oublis de visage
Des lits quatre fers en l'air
Comme les chevaux d'abattoir
Des brancards appuyés aux murs
Qui attendent et meurent debout
Des poubelles alignées
Où saigne la javel
L'extincteur d'improbables feux
Une roue sans fauteuil
Un fauteuil sans malade
Un malade sans son corps
Son corps sans vie
Ni apparence
Dans le théâtre de Bligny
Habite l'hôpital
Et voisin complaisant
Le souvenir du spectacle
Projecteurs aux arcs refroidis
Perches de bois
Brisées en vol
Poulies coincées dans l'absence de tourner
Rouille alentour
Sur les comas d'une scène
Un piano cacophonique aux désaccords aphones
Cadavre noir des concerts de tubercules
Strapontins rabougris
Des toiles déchirées qui n'arrêtent plus l'image
Des lumières sans artifice
Des voix coincées sous l'écho
Mais dans le théâtre de Bligny
Le menteur s'est assoupi
Et le jour et la nuit
Grelotte ses lenteurs
En caressant le parterre
Il rêve rouge d'architectes
De nuits en carton du yo-yo des châssis
De bravos et de bis
Et du bruit des urinoirs. |