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Le même fleuve de vie qui court jour et nuit
à travers mes veines court à travers le monde. Tagore |
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Le projet et ce qu'il en fut | |
En
avril 2002, Sabine Malet, Filip
Forgeau et François Chaffin, trois écrivains
de théâtre, s'installent à l'hôpital
de Bligny (91), et leurs bagages de pages blanches
Carol Kennedy, photographe irlandaise, réside dans l'établissement depuis six mois, invitée dans le cadre d'un programme culturel européen ; elle prépare une exposition pour le mois de juin à venir, affûte ses blancs, ses gris, rôde ses noirs. Elle complète par l'image le trio abécédaire Il y a aussi Bertrand Sampeur, maître du web et fourbisseur au quotidien du site Internet, notre oeil de Montreuil, nyctalope. Et voilà toute l'affaire : dix-neuf jours d'apnée en plein territoire des croix-bleues-sur-fond-blanc, dix-neuf nuits traversées à la vitesse d'une ambulance, dans les cadences de nos santés de titans. Debout sur le pont, vigies attentives ; juste ici pour voir, écouter, ressentir, se laisser aller au roulis de la mécanique de l'endroit, se perdre, se retrouver, croire s'être retrouvé, accepter l'idée de n'être qu'à la traîne, à la dérive Car Bligny est une place où s'abordent les vents contraires, la vie et la mort, la souffrance et la guérison, l'inquiétude et la paix. Tout ici semble chercher son point d'équilibre, entre être et passer, devenir et s'en aller. Alors nous, maigres voix syntaxées, colosses de papier, qu'allions-nous écrire, shooter, pour qui, pourquoi, et comment ? Que dit une parole, une image, en face de la maladie, de la peur, du mal-être ? Est-ce une réponse, un témoignage, une indiscrétion, un baume ? Est-ce le mélange de tout cela, et la surface émergée d'une conversation, d'un échange, d'une nécessité réciproque de dire au monde que nous sommes, même fragiles, même abîmés Que charrie la parole de l'écrivain en terre de diagnostic et se peut-il que son exigence soit légitime ? Un mot, une photographie, sont-ils un écho juste des corps alités, rêvant de verticales ? Nous ne savions rien ; nous n'avions pas de réponses à donner, pas de mission, pas d'objectif, pas de protocole ni même d'intention ; nous étions là, les sens aux aguets, prêts à osciller entre le réel et la parabole, le tangible et le poétique. Ce que nous avons fait. Peut-être ne saurons-nous jamais ce que nous avons été au long de cette traversée : pitres clandestins, silhouettes inutiles de Bligny ou traceurs de mémoires, libres électrons ignorants des oscilloscopes. Peut-être fallait-il être là, de toute façon, et proposer une alternative dilatoire aux transmissions ordinaires de l'hôpital. Çà et là, en arpentant l'interminable des couloirs de l'établissement, il nous arrivait de passer un moment avec un habitant de Bligny, malade, personnel, visiteur, et de prendre au temps le temps de dire et de se dire, se laisser aller aux histoires, aux anecdotes, souvenirs, opinions, rire un bon coup, s'oublier un peu, et trouver beau que les hommes, ici plus qu'ailleurs, investissent dans la parole. Une parole gratuite, équitable, affranchie de son pouvoir de compétence, libérée de son expertise, pour parler de soi, de la famille, du pays, des élections, d'amour, de la bouffe et puis du foot. Où alors nous étions là, silencieux, saisis par une image, un son, une connexion entre chair et machine, un geste, un vide, une poche de liquide, la démesure d'un arbre, l'insouciance d'un lapin, un visage, un pansement, la forme d'un flacon, un silence de bout du monde Et nous sortions nos carnets et appareils photos pour aussitôt cristalliser par l'encre ou le pixel cet extraordinaire anodin que seuls des candides pouvaient encore observer, et que l'hôpital broyait de sa célérité quotidienne. Voilà, il s'est trouvé que nous avons vécu dix-neuf jours et dix-neuf nuits à Bligny, que nous avons été témoins du formidable grouillement de l'hôpital et de ses habitants, que nous avions notre il et notre langue à nous pour dire l'incroyable tension qui accroche les hommes à la vie, et l'existence au mystère, à la science, à la chance, au réel et à l'inconnu. La vie sous toutes les sutures François Chaffin |
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Trois auteurs | |
Filip Forgeau. Né en 1967, il
fonde en 1987 la Compagnie du Désordre (aujourd'hui implantée
en Limousin), pour laquelle il écrit et met en scène une dizaine
de spectacles (Les souffrances du jeune Werther, d'après Goethe,
au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis ; Le chien
mort, avec Denis Lavant au TGP de Saint-Denis ; Le dealer, écrit
en résidence au Eugène O'Neill Theatre Center, Connecticut,
Festival théâtre en mai de Dijon ; Pas de quartier pour
ma viande, festival international Dyonisia de Rome, CDN du Limousin...). Plusieurs fois boursier du Centre National des Lettres, du Ministère de la Culture, résident à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, il est également l'auteur et le réalisateur de deux longs métrages et un moyen métrage dans lesquels ont joué Jean-Claude Dreyfus, Hans Meyer, Bernadette Lafont, et obtient pour L'Iguane le Grand Prix Tournage Award lors des Xe Rencontres cinématographiques franco-américaines. Habitué des ateliers d'écriture en milieux réputés difficiles, il est un écrivain et un homme de théâtre tourné vers toujours plus d'aventures humaines. |
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François Chaffin. Né en 1963, il fonde en 1987 le Théâtre du Menteur, qu'il co-dirige avec Valérie Dassonville. Ecrivain habile de ses mains, il produit ses premiers spectacles en s'assurant une formation d'acteur et de technicien, et porte ses projets de création en création, pour les adultes comme pour les enfants, en France et à l'étranger (La morsure du citron, Plus tendre est la baleine, Parabellum tombe à l'eau, Minus sept fois le ciel...). Plusieurs fois boursier (Ministère de la Culture, Beaumarchais, Conseil général du Pas-de-Calais), il répond également à des commandes passées par des compagnies (Fric is monnaie, commande de la DMDTS pour la Cie Interlude, Tribord sans rire pour la Cie Ramdam...) ou des ateliers au sein de structures (Ecriture et football pour la scène nationale de Calais). En 2001, Catherine Tasca le nomme Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres, soulignant ainsi la légitimité du travail de la compagnie au sein de l'hôpital. | ||
Sabine Mallet. Née en 1962, après des études de lettres et d'anglais, passe avec succès le concours d'entrée à l'Ecole Nationale des Arts et Techniques de Théâtre (Rue Blanche). Après quelques expériences théâtrales, notamment en compagnie de Queneau et de Steinbeck, elle devient assistante d'un libraire-expert en autographes (de 1990 à 2001). A son actif, des nouvelles (lauréate du concours des inédits RFI-ACCT 1993 et publications en revues) et plusieurs pièces de théâtre montées dans le cadre des rencontres de la Cartoucherie de Vincennes (de 1998 à 2001). Boursière de la fondation Beaumarchais pour Etat(s) Dame, créé en novembre 2001 au Théâtre du Chaudron, elle l'est une seconde fois en 2002, pour le projet Auteurs de Garde de l'hôpital de Bligny. | ||
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Une photographe | |
Du mois de novembre 2001 au mois de juin 2002, la compagnie est associée aux Pépinières européennes de jeunes artistes (programme contre l'exclusion). Dans ce cadre, nous hébergerons Carol Kennedy, une jeune photographe Irlandaise, au sein de l'hôpital. Ses photos croiseront par ailleurs les écritures d'Auteurs de Garde. | ||
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Un metteur en traces | |
Bertrand Sampeur s'occupe de littérature,
de graphisme et des formes qui se prennent dans la fusion de ces deux-là.
Aux éditions Brocéliande, il a mis sur pied deux collections
de livres hors format : Le Pied à coulisse et Les Petits
Plis, qui ont vu détourneurs de mots et illustrateurs des marges
s'associer pour produire de bien singuliers livres-objets, loin des contingences
mercantiles de l'édition à gros tirage. Passé sur le
réseau planétaire, le voilà qui s'affaire au développement
de plusieurs sites axés sur la découverte de curiosités
littéraires, plastiques et photographiques, tels que Berluette
ou Image Latente.
Ceci parallèlement à une activité d'infographiste indépendant. Créateur, critique, pragmatique et polyvalent, c'est le cinquième homme du projet, le seul qui, depuis les fenêtres de son écran, conservera le recul nécessaire à la fabrication d'un site Internet réactif au quotidien et d'un livre qui fera une synthèse originale à l'issue de la résidence. |
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Maître d'oeuvre du projet : le Théâtre du Menteur |
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L'Hôpital de Bligny : réalité et théâtre... | ||
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